Cycle O10C – #6 Conquête

15-40 Partners vous présente la sixième étape de son cycle de réflexion appelé Odyssée.

Odyssée est le fruit d’une réflexion collective sur 10 sujets impactant l’entreprise dans le contexte actuel et pour l’anticipation de son avenir. Le cycle O10C que nous vous proposons se déclinera en 10 points de vue publiés dans les prochaines semaines sur le compte LinkedIn de 15-40 Partners.

Dans cette étape, nous abordons le thème de la conquête de nouveaux clients à travers la transformation digitale des activités de retail en prenant appui sur les marques de luxe et leurs défis sur le marché chinois.

Pour les produits de luxe à la personne, tous les regards des marques occidentales sont aujourd’hui tournés vers la Chine. Plusieurs sources (1) estiment en effet que les clients chinois représentent 35% du total des achats et seront dès 2022 responsables pour 90% de la hausse attendue de ce marché.

Le dynamisme de cette clientèle chinoise est très supérieur à celui de la clientèle des deux autres grands bassins traditionnels (USA et Europe) de la consommation de produits de luxe.

Ces clients chinois dans le Luxe sont majoritairement :

  • de (très) jeunes femmes ;
  • de nouvelles venues au luxe, qui profitent de la croissance continue de leur pouvoir d’achat ;
  • des pratiquantes assidues des réseaux sociaux locaux, dont WeChat (pour les échanges privés) et Weibo (plébiscité par les marques pour leurs prises de parole officielles) ;
  • des acheteuses dont le comportement est celui d’une consommation ostentatoire, plus destinée à impressionner son entourage qu’à exprimer sa personnalité et ses goûts : posséder de nombreux objets de luxe, c’est prouver sa réussite sociale et financière ;
  • enfin, des consommatrices qui, privées de voyages touristiques vers l’Asie du Sud-Est, l’Europe, les USA… à cause de la pandémie et de la fermeture des boutiques physiques, se sont reportées sur les canaux de distribution digitaux (sites d’e-commerce mono marques, plateformes multi marques, sites des e-tailers).

Cette conquête des jeunes chinoises est une obligation. C’est aussi un défi, parce que leur appétit pour le luxe occidental est moins unanime que par le passé. En s’acculturant progressivement au luxe occidental, elles tendent en effet ensuite à s’éloigner des logos trop visibles et des discours de marque trop formatés. Leurs attentes et leur degré d’exigence envers les marques occidentales de luxe sont en hausse. Elles recherchent authenticité et sens ; elles sont de plus en plus sensibles aux dimensions sociales et environnementales des activités des marques (devenues un must dans leur communication). Ces marques restées longtemps interdites pour leurs parents leur sont désormais accessibles. En les privant de leur mystère, cette accessibilité leur aura fait perdre une partie de leur pouvoir de séduction.

L’acquisition de ces clients se fait dans un contexte où la compétition se développe entre marques de luxe et marques haut de gamme (et entre marques occidentales et chinoises, ces dernières profitant de la résurgence de réflexes nationalistes et de la redécouverte du patrimoine historique et artisanal local), le plus tôt possible – avant qu’elles aient les moyens financiers de devenir clientes -, sous peine de perdre la  » bataille de l’attention  » (part de notoriété) au profit de marques jugées plus accessibles (Burberry, Nike, Apple…) .

Cette acquisition doit aussi être réalisée prioritairement sur le marché chinois local sachant qu’un retour à la normale pour les vols transcontinentaux n’est pas envisagé avant 2023 – 2024.

Les axes de travail qui suivent sont applicables à de nombreux environnements B2C même si le luxe et le marché chinois, à cause des compétences digitales expertes de leurs clientes, nécessitent une prise en compte détaillée des spécificités de l’écosystème digital local. Ils sont basés sur :

> le développement de la multi-canalité pour garantir des parcours d’achat fluides, que les points de contact successifs avec la marque aient lieu dans le monde physique (offline) ou on line. Cette stratégie multi-canal rend indispensable une valorisation de la Data. Si la Data n’a jamais été aussi abondante, sa transformation en insights actionnables est toujours aussi complexe. Il est temps de la placer au service de la création de valeur en permettant à la marque de luxe de mieux connaître chaque cliente et pour la cliente, en se voyant proposer des objets / services pertinents et personnalisés :  la Smart Data (Data valorisée) devrait pouvoir susciter le désir d’acheter.

Cette humanisation de la Data demande la création d’une relation de confiance entre la marque et sa cliente si la première souhaite avoir accès aux informations personnelles les plus sensibles. Le client devra être convaincu par l’éthique de la marque (protection de la Data transmise, non divulgation à des tiers…).

Dans l’avenir la Data aujourd’hui présente chez les market places (Tmall, JD.com, Secoo, Little Red Book, Xiu.com…), les réseaux sociaux et le moteur de recherche Baidu aura tendance à migrer vers les seules marques de luxe qui auront construit cette relation de confiance avec leurs clientes.

> l’offre d’une expérience de la marque optimisée sur son site d’e-commerce : le risque de nouvelles vagues de la pandémie promeut une pratique intensive des outils digitaux. Le e-commerce pallie la fermeture des boutiques physiques tout en rassurant par son absence de contact physique entre vendeur et acheteur. Des achats toujours plus impliquants sont conclus en ligne. Dans le but de susciter l’adhésion de la cliente, les contenus mis en ligne méritent d’être traduits en mandarin et doivent impérativement respecter les susceptibilités culturelles de l’internaute locale.

> ensuite l’intégration de ce site d’e-commerce à un écosystème digital complet.

En Chine, cet écosystème doit reposer sur trois piliers, la technologie étant alors placée au service de la fluidité des interactions digitales entre ces trois piliers : le site d’e-commerce ; les comptes de la marque sur les réseaux sociaux (Weibo, WeChat, TikTok pour les plus jeunes…) ; les relations avec les blogueurs et influenceurs locaux.

> et la priorisation des leviers digitaux pour les investissements marketing.

Une telle priorisation aligne la marque de luxe sur les comportements locaux (désaffection à l’encontre des médias traditionnels et plus de 3 heures par jour passées sur les réseaux sociaux). Ce choix rend indispensable un effort en matière de production de contenus locaux, dans un environnement où la vidéo live et le recours aux stratagèmes offerts par la réalité augmentée (Augmented Reality) et / ou virtuelle (Virtual Reality) ont supplanté les images (et a fortiori le texte).  

> enfin la signature de partenariats pour optimiser la visibilité et le pouvoir de séduction de ses activités de vente.

Parmi les opportunités à étudier :

  • la digitalisation des points de vente physiques : tablettes interactives, cabines d’essayage virtuel, contenus vidéo exclusifs, technologies de reconnaissance faciale pour une personnalisation de l’expérience, suppression de l’encaissement…
  • la présence de boutiques virtuelles sur les plateformes multimarques afin de bénéficier du trafic naturel vers ces plateformes ;
  • en parallèle, la création d’un trafic qualifié vers le site d’e-commerce via des campagnes Search (SEO / SEA) conduites par une agence locale ;
  • l’usage du social selling (ventes via les comptes de la marque sur les réseaux sociaux) ;
  • le montage de sessions de live-shopping dirigées par un influenceur, un blogueur… et qui seront reprises ultérieurement par la marque à des fins d’animation de son site ou de ses comptes sur les réseaux sociaux.

Ainsi, dans le luxe en Chine comme ailleurs, les adaptations doivent être rapides et activer en même temps plusieurs dimensions dans un secteur dont les contours et les clés de succès de demain sont loin d’être figés.

(pour une vision plus détaillée voir le livre d’Alexandre de Sainte Marie, « Luxe et Marque – Identité, Stratégie, Perspectives » – Dunod, 2015 et Truth and Wisdom Press, 2019, pour sa version chinoise)

(1) Dont le cabinet de conseil en stratégie Bain

La prochaine étape de l’O10 C sera le contrôle.

15-40 Partners’ Editorial Board

2 Juin 2021

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