Cycle O10C – #5 Compétitivité

15-40 Partners vous présente la cinquième étape de son cycle de réflexion appelé Odyssée.

Odyssée est le fruit d’une réflexion collective sur 10 sujets impactant l’entreprise dans le contexte actuel et pour l’anticipation de son avenir. Le cycle O10C que nous vous proposons se déclinera en 10 points de vue publiés dans les prochaines semaines sur le compte LinkedIn de 15-40 Partners.

Nous abordons, dans cette étape, le sujet de la compétitivité, à travers la relocalisation.

La crise du moment a le mérite de nous faire réfléchir sur les limites de notre organisation économique mondiale, sérieusement remise en cause dans son éclatement et son tropisme global par opposition au local, au nom de la compétitivité coût.

La remise en cause est aussi induite par les volontés affirmées des jeunes générations de soutenir le « Produire Ethique » et de « Produire Local » des marques, c’est-à-dire valoriser une compétitivité par le sens affiché.

Nos réflexions sur ces points doivent maintenant se muer en une nouvelle pensée stratégique dans chaque entreprise, avec comme pivot prioritaire la relocalisation de la chaîne de valeur, de la compétence et plus largement de la maitrise de nos destins économiques.

Cependant, la relocalisation cherche encore ses finalités pour débloquer les énergies et les moyens financiers requis. Tentons d’en éclairer certaines.

Pourquoi relocaliser ?
Nous avons vu émerger trois raisons principales pour relocaliser :

Maitriser sa dépendance sur des composants stratégiques ou critiques : il n’est plus possible de dépendre de producteurs lointains que tout le monde partage, notamment en cas de forte demande. Connaitre ses composants critiques et les relocaliser peut ne pas être économiquement viable mais répond à un risque d’indisponibilité qui peut avoir des conséquences en cascade dans l’économie ou sur le plan sanitaire par exemple.

Restaurer un tissu de soutien local, réactif et créatif : force est de constater que la délocalisation a laissé des pans entiers vides dans le voisinage économique de nos entreprises. Relocaliser conduit à reconstituer un tissu local de services, d’acteurs innovants, de soutiens publics ou privés. Ce tissu, outre l’entraide et l’innovation qu’il génère par la proximité des acteurs, permet de réagir vite en cas de crise et de trouver des solutions de contournement. Dans un monde exposé aux risques de toute nature, y faire face à plusieurs est une des meilleures stratégies. Tout comme détecter le risque en amont est aussi bien plus facile à plusieurs.

Conserver une compétence industrielle locale : la compétitivité passe par la maitrise de sa chaine de valeur, ce qui ne veut pas dire son contrôle. Comment faire confiance à un acteur lointain pour adapter sa stratégie aux particularités de notre local ? Et comment peser sur la chaîne de valeur de cet acteur lointain pour obtenir des produits, des services, une empreinte carbone, des valeurs de qualité reproductible et dans une structure de coût juste et maitrisée ? Cela est impossible si tout est normalisé à distance au niveau mondial.
La conservation d’une compétence locale permet de s’affranchir de ces travers et d’innover, de comprendre et d’accéder rapidement au marché local, de chercher à rester compétitif avec des solutions locales, mais aussi de soutenir l’aménagement de notre territoire par l’apport d’emplois et d’installations locaux bien adaptés au local.

Pour qui relocaliser ?

C’est le client qui doit, en premier, bénéficier de la relocalisation. On pense que le patriotisme économique suffit à justifier cette relocalisation aux yeux du client. Mais relocaliser peut in fine couter au client et il le sait, en particulier à cause des coûts de main-d’œuvre ou des matières premières qui augmentent en local. Comme en parallèle le client demande autant ou plus de valeur des productions locales, il ne peut accepter les surcoûts que si la relocalisation apporte de nouveaux bénéfices, comme des services à large spectre, un coût total de possession en baisse ou une image plus vertueuse et éthique. Cela apparait être une excellente stratégie que de mettre en avant ces bénéfices.

  • Dans l’industrie du vélo de masse, traditionnellement très délocalisée, les clients valorisaient surtout les coûts, la diversité des produits en particulier pour chaque membre de la famille et en distinction travail / loisir, ainsi que leur accessibilité en grands distribution.
    Avec la crise, l’usage du vélo s’est massivement intensifié alors que les produits se raréfiaient dans les rayons en raison de la désorganisation de la supply chain mondiale. A cela s’est ajouté un besoin de design produit plus frappant et différenciant, d’une empreinte carbone plus conforme à l’esprit du vélo et de fonctionnalités plus adaptées aux déplacements pour le travail comme l’assistance électrique, les bacs à objets ou les services d’entretien. Des champions nationaux ou locaux qui qui savaient se différencier rapidement sur ces aspects ont vu leurs ventes croitre fortement malgré leur indice prix plus élevé. Par exemple ces entrepreneurs de Normandie qui produisent localement un vélo électrique premium très looké, rencontrent un vif succès et ce n’est pas éphémère.

Que relocaliser ?

Tout ne peut pas être relocalisé en même temps, c’est une longue route avec forts investissements et aléas à la clé.

Nous pensons que c’est le Contrôle qui est le premier élément à relocaliser. Non pas le contrôle de la performance qualité-coût-délais mais le contrôle des procédés. Ce contrôle permet d’améliorer les produits dans un cadre de compétitivité local, ainsi que d’identifier les risques produit. Dans une version intermédiaire, ce contrôle peut être imposé et partagé avec d’autres partenaires y compris lointains. Cela se traduit concrètement par exemple par la volonté de spécifier les produits et le processus industriel en France, tout en le laissant en production off-shore. Ceci est déjà un pas de relocalisation.

Bien évidemment, cette étape étant réalisée il est possible de relocaliser plus classiquement une partie de la Production ou de l’Ingénierie fine des produits et services, mais c’est ce qui est le plus consommateur de ressources financières et humaines et donc le plus complexe.
La relocalisations industrielle peut se faire autour de services innovants, comme ceux qu’offre Moulinex dans la réparation du petit électroménager, service qui impose de maitriser la constitution des produits, leur réparation et in fine leur conception pour la réparation et leur production pour le même objectif (même si dans ce cas elle était déjà localisée en France et en Europe).

Où relocaliser ?

La relocalisation « domestique » de proximité est une excellente première étape. Elle ramène progressivement la partie le plus stratégique de la chaîne de valeur vers la périphérie immédiate de l’Europe (du Sud Méditerranée à l’Europe de l’Est), pas nécessairement tout de suite en local français. Cela permet également de sécuriser des sources de production alternatives à moindre risque.

  • Par exemple, un fabricant auto global « revient en Europe » et accélère la relocalisation au Maroc avec des capacités de plus en plus pointues et interchangeables pour produire les produits à forte rotation et à faible marge.

Quelles compétences pour relocaliser ?
Pour réussir une relocalisation, la maitrise par l’organisation locale de deux compétences est vitale :

La première est le « costing » ou « connaissance du coût total », qui s’utilise pour revoir la structure de coût complet des produits et services, en particulier en passant du mode délocalisé au mode local. C’est aussi un prérequis pour maitriser la seconde compétence.

La seconde compétence clé est l’amélioration continue pour faire évoluer produits et production en compensant les surcoûts induits. Cette compétence optimise le nouveau schéma local en termes de qualité, coût, lead times, accès au marché, etc. Plus qu’une compétence c’est un état d’esprit qui, quand il se généralise, permet de rivaliser largement en France ou en Europe avec les pays à bas coût de main d’œuvre, pourvu qu’on sache faire monter en gamme les produits et les valeurs qu’ils portent.

La compétitivité d’une activité relocalisée peut rapidement rivaliser avec celle de l’activité délocalisée, à condition de se doter d’une vue stratégique claire sur l’amplification de la valeur du produit ou service, d’une approche progressive et structurée, d’une volonté de maîtrise de certaines étapes clé et compétences critiques dans la chaîne de valeur.

La prochaine étape de l’Odyssée sera la Conquête par le déploiement technologique.

15-40 Partners’ Editorial Board

26 Mai 2021

Related Posts